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Apologia pro suae Vitae

26 March 2025
Westbury-on-Trym,

J’ai passé la plupart de ma vie professionnelle, pour ce que ça vaut, dans la philosophie universitaire, y compris dernièrement plusieurs mois dans un institut de recherche philosophique à Paris, c’est à ce moment-là que j’ai fait mon approche la plus proche de quelque chose qui ressemble à parler couramment français.

Cependant, ma première passion, bien avant de me plonger dans la philosophie à trente et quarante ans, était la fiction littéraire. J’ai d’ailleurs fait un Bachelor de littérature anglaise commençant à 18 ans, que j’ai honte de ne pas avoir prise très au sérieux.

Après avoir quitté le monde universitaire vers la fin de ma quarantaine, je suis revenu à la littérature, lisant avec voracité et écrivant mes propres contributions littéraires. L’une d’elles était le projet d’écrire 155 sonnets, c’est-à- dire un sonnet de plus que les 154 écrits par Shakespeare.

J’ai eu la prétention d’écrire l’un de ces sonnets, le numéro 141, en français. Avant de réciter ici se soir le Sonnet 141, j’aimerais dire quelques mots sur ce que sont les sonnets et sur les différents types de sonnets.

En bref, un sonnet est un poème, composé de 14 lignes de pentamètre iambique. Dans cette définition, il convient de décortiquer l’expression « pentamètre iambique ».

Ainsi, c’est-à- dire qu’un iambe est un pied de vers de deux syllabes dont la deuxième syllabe est accentuée, et « pentamètre » signifie qu’il y en a cinq. Ainsi, la première ligne, et chaque ligne suivante, de numéro 141 ce que je vous propose maintenant de réciter, est un exemple de pentamètre iambique:-

Sonnet 141

Après avoir ces cent quarante écrits,
je suis épuisé et me considère
une langue craquée léchante, dedans, un puits
empli d’une boue visqueuse, d’une croûte grossière.
Il en reste quinze encore, coincés, cachés:
des crapauds rotants que les murs moussus
font résonner. Enfin, bloquée, fâchée,
la langue, toute sèche et vulgaire devenue,
va bifurquer, et désormais siffler.
Chaque midi, pour un instant, le soleil
éclaire cette vie grimpante – viens regarder!
Voilà en bas, frétillante et vermeille,
la langue, les crapauds fugitifs, la chasse
avant que l’ombre couvre la disgrâce.

Que peut-on dire d’autre du sonnet 141? Je voudrais dire quelques mots sur ses propriétés formelles, ainsi que sur son contexte et son contenu.

Tout d’abord, du point de vue formel, il s’agit d’un sonnet shakespearien conventionnel, dans la mesure où il présente le schéma de rimes shakespearien caractéristique : ABABCDCDEFEFGG. Ici, le contraste est avec d’autres schémas de rimes, le plus connu étant probablement le Pétrarque : comme par exemple ABBACDDCEFGEFG.

Du point de vue du contexte et du contenu, le sonnet 141 est fondamentalement entièrement autoréférentiel. Il s’agit d’une longue métaphore décrivant le dégoût croissant du narrateur, qui doit encore traquer quinze sonnets/crapauds rotants dans ce puits culturel immonde, dont la véritable misère primitive n’est illuminée que par le passage fugace du soleil de midi.

Le sonnet 141 a été publié deux fois, la première fois dans la Revue Littéraire Française, puis deux ou trois ans plus tard dans Les Hypertextes. Il fera prochainement l’objet d’une troisième parution, dans le premier volume de mon recueil de vers courts.


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